La démence
Voici comment celles de l’âme naissent de nos dispositions corporelles.
( Sur le support des maladies du corps).
p188
Il faut admettre que la maladie de l’âme est la démence.
Mais il y a deux espèces de démence :
l’une est la folie,
l’autre l’ignorance.
Plaisir et douleur
En conséquence, toute affection qui entraîne, soit l’une, soit l’autre, doit être appelée maladie,
et il faut reconnaître que les plaisirs et les douleurs excessives sont pour l’âme les plus graves des maladies.
Car, lorsqu’on est joyeux ou au contraire affligé outre mesure, on s’empresse à contretemps de saisir le plaisir ou de fuir la douleur, et l’on est incapable de rien voir et de rien entendre avec justesse ; on est comme un forcené et hors d’état d’exercer sa raison.
Quand un homme a dans la moelle un sperme d’une abondance débordante, qui est comme un arbre trop chargé de fruits, ses désirs et leurs suites lui procurent chaque fois de multiples souffrances et des plaisirs multiples,
et il est fou pendant la plus grande partie de sa vie par suite des plaisirs et des douleurs excessives qu’il ressent, et son âme est malade et déraisonnable par la faute de son corps, et on le regarde, non comme un malade, mais comme un homme volontairement vicieux.
La vérité est que l’incontinence amoureuse est une maladie de l’âme qui provient en grande partie de la propriété d’une seule substance, qui, grâce à la porosité des os, inonde le corps de son humidité ; et presque tous les reproches dont on charge l’intempérance dans les plaisirs, comme si les hommes étaient volontairement méchants, sont des reproches injustifiés ; car personne n’est volontairement méchant.
L'éducation
Ceux qui sont méchants le deviennent par suite d’une mauvaise disposition du corps et d’une éducation manquée, deux choses fâcheuses pour tout le monde et qui nous arrivent contre notre volonté.
La douleur
Il en est de même en ce qui concerne les douleurs : c’est également le corps qui est cause que l’âme contracte de grands vices.
Par exemple quand les humeurs de la pituite aigre et salée (en général les sécrétions du corps), ou celles qui sont amères et bilieuses, après avoir erré dans le corps d’un homme, ne trouvent pas d’issue au-dehors et que, parquées au-dedans, elles mêlent leur vapeur aux mouvements de l’âme et se confondent avec eux, elles produisent dans l’âme des maladies de toute sorte, plus ou moins graves et plus ou moins nombreuses ; et se frayant un chemin vers les trois sièges de l’âme, elles engendrent, suivant celui qu’elles envahissent, toutes les variétés de la morosité et de l’abattement, de l’audace et de la lâcheté, enfin de l’oubli et de la paresse intellectuelle.
En outre, lorsque ces vices du tempérament sont renforcés par de mauvaises institutions et par des discours qu’on entend dans les villes,
soit en particulier, soit en public, et qu’on n’a pas dès le jeune âge reçu de leçons qui puissent guérir le mal, c’est ainsi que tous ceux de nous qui sont méchants le deviennent par deux causes tout à fait indépendantes de leur volonté, et il faut toujours en accuser les pères plutôt que les enfants, les instituteurs plutôt que les élèves. Mais il faut s’appliquer de toutes ses forces, et par l’éducation et par les moeurs et par l’étude, à fuir le vice et à atteindre la vertu, son contraire. Toutefois, c’est là un sujet d’un autre ordre. p190
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